« Telle une armée, ces présences se redressent et exposent leurs cicatrices de fils suturés. Parées de leurs « armors »,
elles marchent fièrement vers l’avenir et dessinent les contours d’une histoire de la féminité. » – Jeanne Vicerial
Gisante de coeur, 2022
Textile : drisses, fils, roses vernies
230 × 40 × 75 cm
90 1/2 × 15 3/4 × 29 1/2 in.
Pour lancer l’année 2023, Templon se pare de la couleur noir ébène et blanche de Jeanne Vicerial. Pour sa toute première exposition en galerie à Paris, l’artiste dévoile une quinzaine de nouvelles sculptures textile aux formats variés.
Première docteure diplômée en design de mode en France en 2019, pensionnaire de la prestigieuse Villa Médicis en 2020, Jeanne Vicerial, 31 ans, est déjà largement reconnue pour sa pratique avant-gardiste.
A travers ses recherches, elle a repoussé les codes de l’industrie textile, questionnant la dichotomie sur-mesure/prêt-à-porter. Sa démarche artistique s’est par la suite focalisée davantage sur la place de la femme et du corps féminin dans la société, en associant régulièrement d’autres créateurs – scénographes, parfumeurs, musiciens – à ses projets.
Pour cette exposition, Jeanne Vicerial a installé dans l’espace une armée silencieuse de silhouettes cristallisées dans le temps. Férue de poésie, elle donne chair à des « Armors », inquiétantes guerrières cuirassées d’ « amour » autant que d’ « armure », en recouvrant entièrement des mannequins de couture de fil noir. Au cœur de l’exposition, un imposant robot articulé, orchestré par un programme informatique, danse autour d’une sculpture pour la tisser dans une succession de délicats mouvements répétés à l’infini. De ce processus de création semble avoir surgi des « présences » – gisantes posées sur leur tombeau dans un sous-sol devenu crypte plongé dans l’obscurité, mystérieuses figures hybrides tout droit sorties d’une nouvelle mythologie.
Le pèlerinage se poursuit à travers un cabinet de curiosité dédié aux « sex-voto ». Sur le blanc immaculé des cimaises, l’artiste accumule divers objets-offrandes. Comme elle l’explique : « Il est intéressant de noter les parallèles entre l’industrie du textile et le monde sculptural : dans les deux domaines, on appelle « couture » les points de jonction, de liaison des éléments les uns aux autres. » Disloquées ou démembrées, ces vulves en fleur, petits organes vestimentaires ou encore ventres de Vénus semblent chercher un repère. A travers ces curieux objets de culte, Jeanne Vicerial approfondit sa réflexion sur la place du genre et du corps féminin, oscillant depuis des millénaires entre sacralisation et maltraitance.
Née en 1991, Jeanne Vicerial vit et travaille à Paris. Elle se tourne dès l’adolescence vers la confection vestimentaire. Après des études de costumière puis un Master en Design vêtement à l’École des Arts Décoratifs de Paris en 2015, elle s’engage dans un travail de recherche qui prend la forme d’une thèse de doctorat SACRe (Sciences, Arts, Création, Recherche) soutenue en 2019. Elle approfondit cette recherche par la mise au point, grâce à un partenariat avec le département de mécatronique des MINES ParisTech, d’un procédé robotique breveté permettant de produire des vêtements sur-mesure et sans chute. Parallèlement, elle s’engage dans une démarche artistique qui la pousse à fonder, après un passage chez Hussein Chalayan, le studio de recherche et de création Clinique vestimentaire.
Au-delà de ses créations personnelles, elle initie rapidement de nombreuses collaborations avec des artistes d’horizons divers. Ses créations ont notamment été exposées au Palais de Tokyo à Paris (2018) à Rome (Villa Médicis et Palais Farnèse, 2020), à la Collection Lambert en Avignon (2021) et ont récemment intégré la collection du Cnap (Centre national des arts plastiques) et du FRAC Auvergne. Elle a fait l’objet d’une première grande exposition personnelle aux Magasins Généraux (Pantin) en 2021.
Jeanne Vicerial participe à plusieurs expositions collectives, dont en 2022, une dans le cadre du FITE (Festival International des Textiles Extraordinaires) au Musée Bargoin, Clermont-Ferrand (15 septembre 2022 – 26 mars 2023), au Maximiliansforum, Munich (3 août 2022 – 16 octobre 2022, à la Fondation Martell, Cognac (6 avril – 6 novembre 2022), au Ballroom Project, Anvers (mai 2022), à Maison Guerlain, Paris (19 octobre au 14 novembre 2022) et en 2023, au Musée International des Arts Modestes à Sète (14 février au 17 septembre 2023).
Dans le cadre du programme « Mondes Nouveaux », elle produit en collaboration avec Louise Hernandez un projet transdisciplaire associant installation, film et performance : « Gisantes. Une renaissance » dont quatre sculptures sont exposées à la Basilique de Saint Denis, du 1er au 31 décembre 2022.
A partir du 14 février 2023 Jeanne Vicerial participera à l’exposition collective « Au-delà » à la fondation Lafayette Anticipations . Du 27 mai au 3 septembre 2023, elle participera à l’exposition « Beautés » au FRAC Auvergne.
La première monographie de Jeanne Vicerial paraîtra en février 2023 à l’occasion de l’exposition, avec une contribution inédite du philosophe Emanuele Coccia et un entretien avec l’historienne et chercheuse Ida Soulard.