Morgan Labar présente son ouvrage La Gloire de la Bêtise. Régression et superficialité dans les arts depuis la fin des années 1980 (Les presses du réel, 2024) à l’occasion d’une rencontre-débat avec Alexis Anne-Braun, philosophe, Antoine de Baecque, historien et critique de cinéma et Katia Sowels, historienne d’art, le vendredi 14 février 2025, de 19h à 20h30, en salle Dussane à l’École normale supérieure (45, rue d’Ulm).
La rencontre est organisée par le Département ARTS de l’ENS et l’EA 7410 SACRe
Depuis la fin des années 1980 se sont épanouies des pratiques artistiques qui font le choix de la bêtise délibérée, de la régression ou de la superficialité. La triade de l’altérité moderne, que représentaient le fou, l’enfant et le primitif, est alors supplantée par la figure de l’adolescent bête. Tantôt critique, tantôt complice, cet art s’est frayé un chemin dans les galeries, les magazines, les biennales et jusque dans les plus importantes collections privées devenues muséales, dont celles de Dakis Joannou, de François Pinault ou d’Eli Broad.
Martin Kippenberger, Wim Delvoye, les YBA, Paul McCarthy, Mike Kelley, Gelitin… ou bien encore Dumb & Dumber au cinéma ou Beavis & Butt-Head et Jackass à la télévision : le succès de la bêtise compulsive est éclatant. Les cultures propres à l’adolescence deviennent le lieu d’une fixation, d’un refus d’accéder à l’univers normé de la culture « adulte » en se ménageant des espaces de répit hors du monde des responsabilités sociales. Au plus fort de la vague néolibérale, l’avenir est pour beaucoup source d’angoisse – et la régression, un refuge.
Dans une approche ancrée à la fois dans l’histoire (culturelle) et la théorie (esthétique), Morgan Labar tente ici de comprendre ce qui a fondé ces pratiques artistiques et imposé leur légitimité nouvelle. Naviguant à vue entre Jeff Koons et Présence Panchounette, Alerte à Malibou et Adorno, les Ramones et Walt Disney, cet ouvrage fait l’analyse d’un phénomène historique inédit par son ampleur – le mouvement des marges au feu des projecteurs, par lequel la bêtise a parfois perdu sa dimension critique et son caractère subversif pour devenir l’une des logiques culturelles de l’époque.
Historien et critique d’art, Morgan Labar, après avoir dirigé l’École supérieure d’art d’Avignon (ESAA) de 2021 à 2024, est le directeur de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Lyon. Il enseigne à l’École du Louvre et est enseignant associé du département Arts de l’ENS. Docteur de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et ancien postdoctorant de la Terra Foundation for American Art à l’INHA, ses recherches portent sur la manière dont les catégories esthétiques, les canons et les discours hégémoniques sont construits au sein des mondes de l’art.
Katia Sowels enseigne l’histoire de l’art des XX-XXIe siècles à l’ENS. Docteur de l’ENS-SACRe, et ancienne fellow à la Delfina Foundation, à la Tate et au Zentralinstitut für Kunstgeschichte, elle est spécialiste du surréalisme. En 2024, elle a codirigé le catalogue de l’exposition « Surréalisme » au Centre Pompidou. Elle co-pilote actuellement le projet de recherche «Simone Kahn – femme surréaliste » au Centre Allemand d’histoire de l’art.
Alexis Anne-Braun est maitre de conférences en esthétique et philosophie de l’art à l’ENS-PSL. Il est doublement rattaché au département de philosophie et des arts. Spécialiste de philosophie du langage et d’esthétique analytique, ses recherches portent sur les théories contemporaines de l’image, les théories de la notation et des systèmes symboliques.
Historien et critique de cinéma, notamment aux Cahiers du cinéma, dont il a été rédacteur en chef (1997-1999), puis à Libération, dont il a dirigé les pages culturelles (2001-2006), Antoine de Baecque est spécialiste de la Nouvelle Vague. Le long-métrage documentaire qu’il a écrit (réalisé par Emmanuel Laurent), Deux de la vague, sur l’amitié entre Truffaut et Godard, est sorti en salles en janvier 2011. Antoine de Baecque est membre du conseil scientifique de la Bibliothèque nationale de France et des Rendez-vous de L’histoire de Blois. Il fait partie du Comité de rédaction du « Monde des Livres », des revues « Cineaste » (New York), « L’Histoire » et de la « Revue de la Bibliothèque Nationale ». Il est membre de la Commission d’aide à l’écriture documentaire du CNC.