Porteur de projet
Antoine Vasseur, scénographe
Direction du workshop
Antoine Vasseur et Thomas Molles, artiste et game-designer
Établissements impliqués
EnsAD (département de scénographie) et ENS (DHTA).
Contacts
vasseur-antoine(at)wanadoo.fr et annabelvergne(at)yahoo.fr
Workshop conduit du 14 au 18 octobre et du 4 au 8 novembre 2019
Roberto Esposito résume que « depuis des temps immémoriaux notre civilisation se base sur la division la plus nette entre personnes et choses. Les personnes sont définies principalement par le fait de ne pas être des choses et les choses par le fait de ne pas être des personnes». A cela s’ajoute que dans cette partie du monde où nous sommes, seuls les humains sont considérés comme des personnes alors que le reste est relégué au monde processuel et au destin incertain des choses. Ce rapide examen suffit à définir le scénographe comme un préposé aux choses « non humaines » qui « nous entourent ». Durant les processus de créations scénographiques qui enchaînent des opérations techniques et artistiques pour environner la comédie humaine, le scénographe assiste à un spectacle simple et démonstratif : il y voit que les personnes humaines et les choses, et que les choses entre elles, s’engrènent immuablement les unes aux autres à travers des processus matériels et des processus de pensées qui fabriquent un « environnement commun ». Faire une scénographie, même prosaïquement, c’est donc mettre l’environnement – ce que l’on tient pour l’entour – au centre. C’est, là, une tournure du regard qui nous synchronise avec la réalité de nos vies en nous montrant que la condition humaine n’est pas autoportée.
Pourtant, au théâtre, l’environnement demeure souvent un « hors d’œuvre » ou, encore, un « hors jeu ». C’est ici tout l’enjeu de ce workshop : explorer les ressources du travail scénographique et les différentes potentialités pratiques de la scène afin d’instaurer d’autres relations avec les choses et les environnements qu’elles constituent. Dans ce but, avec Thomas Molles – artiste et designer de jeux – nous proposons d’aborder cette tentative en expérimentant des hypothèses scéniques qui réexamineraient la notion générale de « jeu » (et même le « jouer », le play de l’anglais) dont le jeu théâtral que nous connaissons n’est qu’une modalité parmi d’autres. Il est, en effet, d’autres formes de jeux (les games) qui ont d’autres règles, mais n’en sont pas moins productrices de mondes et, parfois, de spectacles : jeux de hasard, performances sportives, jeux d’adresse, de plateau etc… Notre visée est donc la suivante : en revisitant les logiques les plus sommaires des processus de création scénographique et celles des différentes manières de « jouer », nous cherchons à animer la scène selon des cadres de jeu qui redistribuent différemment les « rôles » à tenir et, par-là, engager d’autres relations entre les personnes humaines et les choses. Car, à bien y regarder, la scénographie rassemble implicitement des expériences, des conduites et des positionnements qui sont en mesure de rendre explicite une connaissance adaptée à la vie d’aujourd’hui.
Bibliographie sélective
Bailly, Jean-Christophe, L’Elargissement du poème, Paris, Christian Bourgois éditeur, coll. « Détroits », 2015.
Deligny, Fernand, L’Arachnéen et autres textes, Paris, Editions l’Arachnéen, 2008.
Descola, Philippe, Par-delà nature et culture, Paris, Gallimard, coll. « Folio essais », 2015.
Dillard, Annie, Apprendre à parler à une pierre, Paris, Christian Bourgois éditeur, coll. « Titres », 2017.
Heams, Thomas, Infravies, Paris, Le Seuil, coll. « Science ouverte », 2019.
Ingold, Tim, Marcher avec les dragons, Bruxelles, Editions Zones Sensibles, 2013.
—, Faire – Anthropologie, Archéologie, Art et Architecture, Editions Dehors, 2017.
Kohn, Eduardo, Comment pensent les forêts, Bruxelles, Editions Zones Sensibles, 2017.